Les îles Canaries, à l’est de l’océan Atlantique nord (27°-29°N), sont sous l’influence du Courant des Canaries, la branche descendante de la Gyre nord Atlantique, qui est modulée par l’upwelling nord-ouest africain. C’est un site stratégique d’échantillonnage pour les reconstitutions paléoclimatiques, notamment pour le dernier interglaciaire (« LIG », 129 à 116 ky BP), caractérisé par un climat plus chaud que l’interglaciaire actuel. 74 analyses isotopiques pour le carbone et l’oxygène ont été réalisées sur 32 coquilles carbonatées de mollusques provenant de dépôts marins sur les îles de Lanzarote et Fuerteventura, durant une période de haut niveau marin que nous estimons datée entre environ 125 et 119-116 ka BP. La température des eaux de surface (SST), déterminée à partir du 18O et des équations de fractionnement isotopique disponibles, a une amplitude saisonnière comprise entre 3.5°C et 6.0°C, en accord avec les amplitudes modernes, et une valeur moyenne annuelle comprise entre 20.4±1.3°C and 22.2±1.2°C. Par rapport à l’époque préindustrielle, nous estimons une anomalie positive de SST de 1.0±1.4°C à 2.8±1.3°C, cohérente avec la présence du gastropode Persististrombus latus inféodé à des eaux superficielles chaudes. Ces données sont en désaccord avec un travail de reconstitution donnant une anomalie zonale négative aux basses latitudes de l’océan Atlantique nord au LIG. Elles sont pourtant corroborées par d’autres reconstructions du climat aux basses latitudes dans la région tropicale Atlantique nord-est. Nous attribuons cette anomalie positive de SST à une insolation estivale excédentaire au cours du LIG, responsable du réchauffement du Courant des Canaries, couplé à une diminution de l’upwelling nord africain. Selon toute vraisemblance, la Gyre Atlantique nord était dans son ensemble plus chaude durant le LIG que durant la période préindustrielle.